Comment j’ai eu un SSPT de mon mariageptsd

Par: Jennifer Williams-Fields

 

STOP! C’est assez! Arrêtez de demander pourquoi une femme est assez stupide et faible lorsqu’elle reste avec un conjoint abusif. Il n’y a tout simplement aucune réponse que vous pourriez possiblement comprendre.

Vos préjugés et vos jugements ne font qu’empirer la situation de ces femmes. Vous ne faites que  nous rendre encore plus honteuses que nous ne le sommes déjà.

Je n’ai pas reçu de coup de poing à mon premier rendez-vous avec mon ex-conjoint. Ce n’est habituellement pas comme ça que la violence débute. En fait, ma première « date » était probablement très similaire à la vôtre; il était charmant, il faisait attention à moi et il me disait des compliments.

Bien sûr, au début de la relation, il y a eu des signaux d’alerte. J’étais jeune et naïve, probablement comme vous l’étiez au début de votre relation.

Sauf que mon mariage a pris une tournure différente de la vôtre.

Une relation ou un mariage abusif se bâtit petit à petit. C’est un long processus, méthodique et incessant, comme l’eau qui coule goutte à goutte du robinet.

Ça commence par une petite goutte, à peine perceptible – une remarque en passant, une blague quoi…  « T’es trop sensible ! » La remarque était sans conséquence.  Cela semble si petit et insignifiant sur le coup. Je suis sans doute trop sensible.

PLIC, PLOC

J’entends la goutte d’eau plus souvent, mais je me dis que ce n’est pas grave. Une blague en public me concernant, c’est mon conjoint qui fait le clown pour attirer l’attention des copains.  Quand il me demande pourquoi je porte telle robe et avec qui je sors, c’est parce qu’il m’aime et qu’il s’inquiète de mon bien-être.

Quand il me dit qu’il n’aime pas ma nouvelle amie… Bon ! Je peux constater moi aussi combien elle peut être autoritaire parfois. Mon mari est plus important qu’une copine, donc je prends mes distances et cesse ma nouvelle amitié avec cette copine.

PLIC, PLOC

La goutte d’eau commence à m’énerver, mais on ne vend pas sa maison à cause d’un robinet qui coule.

Quand il me bouscule en ricanant, je me dis qu’il voulait s’amuser.

Il oublie qu’il est plus fort que moi.  Quand je le surprends encore une fois à  me mentir, il me dit que je suis folle de ne pas le croire.  En fait, peut-être que je suis folle…je commence à me sentir un peu folle.

Je commence à compenser pour le bruit des gouttes d’eau, les plics, plocs de mon mariage. Je vais m’améliorer, je vais être mieux, je serai une meilleure épouse. Je vais m’assurer que la maison est propre, le souper toujours prêt. Même quand il ne rentre pas manger, je vais garder son repas au chaud.

Un soir, je me sentais d’humeur fougueuse. Comme il ne rentrait pas, j’ai donné son souper au chien. Quand il est arrivé après minuit et qu’il s’est mis à crier, je ne me sentais plus si brave. Je me suis levée en vitesse pendant qu’il hurlait pour que je lui prépare son souper.  

Me réveiller en pleine nuit est devenu une habitude. Je ne me permets plus de dormir profondément. Je suis à l’écoute et j’attends…j’attends.

Le matin, je supplie les enfants de ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller leur père. Nous marchons tous comme sur des œufs autour de lui.

PLIC, PLOC

La goutte coule de plus en plus fort et, en ce moment, elle fait un bruit insoutenable. Je n’ose pas mettre un sceau de peur de constater combien d’eau il y aurait dedans. Je suis en plein déni.

Je me dis, si je n’avais pas dit ceci ou cela, il ne serait pas si en colère. C’est ma faute, je dois être sage et silencieuse, ne pas le contrarier surtout lorsqu’il a bu.

Il a sans doute raison, je suis vraiment une salope, égoïste et peu reconnaissante. Il travaille fort tous les jours pour que je reste à la maison avec les enfants. C’est évident qu’il a besoin de recharger ses batteries avant de rentrer à la maison.

Je me permets rarement de rencontrer mes amies. Je m’empresse toujours de rentrer avant lui. Je ne lui demande jamais de garder les enfants pendant que je vois mes amies, je ne dois pas le déranger.

Nous consultons un conseiller en mariage. Bien que ni lui ni moi ne dévoilons la vraie raison de notre présence, le conseiller nous parle ouvertement de ses inquiétudes.

Nous ne l’avons consulté qu’une seule fois.

PLIC, PLOC

Je travaille tellement fort à être une épouse parfaite et d’avoir une famille parfaite, que je ne remarque pas l’eau qui déborde sur le plancher.

Je crois savoir ce qui pourrait améliorer la situation. Je serai plus active hors de la maison, tout en accomplissant mes tâches chez nous, sans lui demander quoi que ce soit, bien sûr. Je ne demanderai jamais de l’aide.

Maintenant, je joue le rôle de la parfaite aide-enseignante de quatrième.  Mon mentor à l’église me conseille de lire des livres et d’écouter des prières pour mieux comprendre les besoins de mon mari. On me dit de prier pour lui.

Je travaille très fort pour que les autres nous voient comme une famille parfaite et heureuse. Mes enfants sont impliqués dans plusieurs activités. Bien entendu, je suis seule à me charger de tout et à tout organiser.

Je commence à donner des indices subtils aux autres mamans, mais lorsqu’elles me confrontent, je nie tout, sans équivoque. Non, non, tout va bien, j’insiste. Comme preuve, je leur fais voir toutes les photos de ma famille souriante sur Facebook.

Je ne sais pas ce qui me fait le plus peur : que les autres apprennent mon secret ou que mon mari découvre que j’ai divulgué la vérité. Je me rends compte que j’ai peur de lui.

PLIC, PLOC

Et puis, un jour, je me réveille et je découvre que la maison est inondée. Ma tête est sous l’eau, je perds mes appuis, j’avale de l’eau. J’ai peur.

Je peux lire la crainte dans les yeux de mes enfants. Seigneur, qu’est-ce que j’ai fait ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Qui suis-je devenue ?

Une nuit, il m’a lancé son cellulaire, il a failli atteindre ma tête, j’ai voulu prendre les enfants et quitter la maison pour de bon… Un soir, au souper, il s’est levé et, devant les enfants, m’a lancé une fourchette. Je voulais partir, je voulais le quitter…

Pour aller où ? Faire quoi ? Comment gagner ma vie?

Il a raison : je ne pourrais jamais survivre sans lui. J’ai besoin de son appui financier.

« Quoi, tu veux partir et faire la pute ? » il me crie. « J’ai toujours su que tu étais une putain. »

Il manipule la situation comme un maître. Ce n’est pas lui qui est sous la loupe, mais moi.  C’est moi qui subit le procès.

Je ne suis plus la femme du début de notre relation. Je suis devenue timide et sans force devant lui.  Je me sens abattue. C’est moi qui ai choisi cet homme, c’est moi qui ai donné naissance à ses enfants. C’est ma faute.

Un pas devant l’autre. Toujours en alerte pour préserver la sécurité de mes enfants. Garder mon sang froid, c’est une question de survie, de ma vie. C’est ma vie depuis 25 ans, je ne connais pas autre chose.

Je reste.

PLIC, PLOC

L’inondation continue. Je glisse sous l’eau une deuxième fois.

Un soir, étant encore la cible de sa colère, je me dis que ça suffit. Je vais me défendre. En dépit de son état affaibli par l’alcool, il se montre encore plus fort que moi.

Je vois le regard d’un tueur dans ses yeux.  La nature lui en a donné les moyens. Je suis terrorisée par ce regard.

« Vas-y, va-t’en » lance-t-il d’un ton moqueur, « mais les enfants restent ici. »

Quitter ce soir-là, c’était tout ce qu’il me fallait pour ouvrir le robinet à fond et laisser s’échapper un désastreux et incontrôlable flot d’eau. Battre en retrait était la seule option que j’avais pour protéger ma vie ou tout simplement ma santé mentale.

Malgré tous mes efforts, mon secret était dévoilé au grand jour. Je ne pouvais tout simplement pas me lever et partir, comme mes amis si bien intentionnés me suggéraient de faire.

Je n’ai pas un sou. En fait, il a trouvé ma cachette où je travaillais si fort à accumuler de l’argent pendant presque un an. J’étais convaincue d’avoir fait attention en évitant de recevoir un relevé de compte à la maison. Il a probablement fouillé dans mes courriels.

J’aurais dû savoir. Il a toujours été sans arrêt aux aguets. Pour éviter sa colère, je le laissais m’espionner; c’était plus facile pour moi de le laisser faire.

Il m’a fait me sentir tellement coupable et honteuse quand il a trouvé mes économies secrètes. Qu’est-ce qu’il a fait avec cet argent? C’est certain qu’il ne l’a pas dépensé pour les enfants. Je présume qu’il l’a gaspillé : l’alcool, le jeu, une autre femme.

Je suis incapable de bouger: je reste.

PLIC, PLOC

Bon Dieu, je vous supplie: je ne veux pas glisser sous l’eau pour une troisième fois. La famille idéale que j’ai tant voulue n’est plus possible, s’il vous plaît, sauvez-nous, moi et mes enfants…

Je suis parmi les chanceuses.  Je ne suis plus mariée, mais les cicatrices sont profondes.

L’abus ne laisse pas nécessairement une marque physique, tel un œil au beurre noir ou une blessure qui saigne. Les séquelles de l’abus psychologique sont aussi très nocives.

J’ai commencé une thérapie, et on m’a diagnostiquée comme dépressive, anxieuse et souffrant du Syndrome de stress post-traumatique (SSPT). L’abus psychologique me maintenait dans une peur constante. La dépression et l’anxiété m’ont rendue impuissante à l’idée de m’en sortir.

Bien que je trouvais le diagnostic du SSPT un peu « extrême » au début, ça fait maintenant presque trois ans que j’ai quitté mon ex-mari et, encore aujourd’hui, certains bruits ou situations me font revivre des moments difficiles.

Un jour, mon patron (un homme) a crié sur des employés, j’en suis devenue malade et j’ai vomi.  Je me suis sentie revivre le passé, je me suis revue accroupie et tremblante dans un coin du garage, essayant d’apaiser la colère que mon mari déversait sur moi.

Je m’inquiète, non seulement pour mes filles qui ont été témoins d’un homme qui a abusé une femme, mais aussi pour mes garçons qui ont vécu la violence et la terreur au quotidien, voilà ce qu’ils ont eu comme exemple.

Je suis restée pour mes enfants. Maintenant, je me blâme pour les séquelles possibles sur leurs comportements et également pour leur avenir en tant qu’époux et épouse.

Pourquoi je suis restée?  J’étais isolée; j’étais financièrement dépendante; je manquais de sommeil;  il m’a dit, et je l’ai cru, que j’étais sans valeur; j’étais épuisée d’être toujours aux aguets.

Enfin, je suis restée parce que j’avais encore plus peur de partir.